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Olivier Jouvray : « Lyon, l’autre capitale de la BD »

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Olivier Jouvray, dessinateur-scénariste-développeur de projets-enseignant, a gentiment accepté l'invitation relative au billet 1000, à savoir une carte blanche sur le Comptoir, et voici donc ce qu'il nous adresse, avec mes cordiales remerciements :

Lyon, l’autre capitale de la BD (Parce qu’il est de bon ton de soigner son chauvinisme)

Allons-donc mon bon môssieur, quand on cause de BD, on cause de Bruxelles ou d’Angoulême mais certainement pas de la capitale des Gaules, qui se targue déjà d’être capitale de la gastronomie. On ne cumule plus les mandats, c’est plus d’époque.

 

Et bien moi je dis que pour le changement, c’est encore temps, et je me permets de squatter les pages du comptoir pour faire l’apologie du lyonnais et de son terreau “bédéistique” plus que fertile.

Un petit peu d’histoire tout de même, parce que les racines du mal remontent aux années cinquante avec les éditions Lug, qui remplissaient les cartables des gosses avec des “Blek le roc”, des “Zembla” ou des “Mustang” et qui importaient et traduisaient les comics Marvel dès la fin des années soixante.

Dès 1973, c’est la légendaire Adrienne, surnommée la “Tina Turner” de la BD, qui ouvre la librairie Expérience, première boutique spécialisée du pays. Elle offrira son soutien à de jeunes auteurs comme Tardi, Druillet, Bilal ou Moebius entre autres illustres, dont les dessins ornent encore les murs de la librairie aux cotés d’autres barbouilleurs qui leur ont succédé. Ce lieu devenu presque mythique, reste encore aujourd’hui un des points de retrouvailles des auteurs locaux, les troisièmes jeudi de chaque mois, autour d’un pot de rouge, d’une tranche de saucisson et d’une séance de dédicace. C’est aussi la librairie Expérience qui a eu la bonne idée de lancer en 2008 le premier collectif d’auteurs lyonnais “Bermuda” (4 tomes parus à ce jour).

Aujourd’hui, on dénombre une bonne dizaine de librairies spécialisées installées dans les divers arrondissements de la ville (La BD, BD en bulles, Bédétik, Glénat BD, la 9ème bulle, la petite bulle, Expérience, Comics zone, le Griffon d’or, Momie manga et j’en oublie peut-être), sans compter les nombreuses boutiques qui vendent des ouvrages d’occasion et de collection, ni les rayons BD des grandes enseignes culturelles.

Difficile de ne pas trouver son bonheur quand on tient à garnir régulièrement sa bibliothèque. Et si votre collectionnite aiguë vous travaille encore un peu plus, il existe aussi à Lyon la galerie “Bleus et originaux”, une des rares galeries spécialisées BD qui ne soit pas installée à Paris. Je terminerai ce passage historique par l’école Emile Cohl, école d’art créée en 1985, qui forme chaque année des centaines de jeunes gribouilleurs aux métiers de l’illustration, de l’animation, du multimédia et bien évidemment, de la bande dessinée.

 

Avec tout ce potentiel, il fallait que cela s’organise et c’est ainsi qu’en 2004 nait l’association “L’épicerie séquentielle”, destinée à regrouper les auteurs locaux autour d’un verre (d’abord) et de manifestations de promotion de la bande dessinée (ensuite). Cette initiative sera suivie en 2006 par la création du festival Lyon BD par un groupe d’illuminés de la Croix Rousse. Les auteurs de l’épicerie séquentielle s’associent au projet qui deviendra en sept éditions, soyons modestes, une des manifestations majeures du paysage de la bande dessinée française (et paf). Ce qui fait la spécificité de cette manifestation, c’est la volonté des organisateurs de ne pas cantonner le festival à de simples séances de dédicaces. Et au delà des traditionnelles expositions, ce sont des rencontres, des conférences et surtout des spectacles mêlant bande dessinée et danse, opéra ou théâtre d’improvisation qui sont proposés aux visiteurs z’ébahis.

Ce qui est appréciable, c’est que dès la naissance de ces initiatives, la ville de Lyon et la Région Rhône-Alpes ont choisi de soutenir le mouvement, par des programmes de subventions et des mises en réseau. C’est pour cela qu’aujourd’hui, nous sommes plusieurs à avoir décidé de pousser plus loin.

Ainsi le projet La Revue Dessinée, magazine de reportages et de documentaires en bande dessinée qui sera prochainement lancé, aura son siège social ici, à Lyon. Nous travaillons également à la création d’une structure d’édition locale, gérée collectivement avec un réseau de diffusion et de distribution local également. Pour que des auteurs de Lyon fassent des BD qui parlent de Lyon, du patrimoine, des lieux, de l’histoire, parce qu’il est de bon ton de soigner son chauvinisme (Je l’ai déjà dit je crois).

Ah j’ai oublié... Actuellement on compte au moins cinq ateliers d’auteurs de BD sur la ville. Les dessinateurs se multiplient comme des lapins et vont ensuite essaimer partout dans le pays. Ça serait un complot pour prendre le contrôle de tout le bazar que ça ne m’étonnerait pas.

En fin de compte si je vous parle de tout ça, c’est parce que le milieu des auteurs de bande dessinée a de plus en plus besoin de changer ses habitudes, de réfléchir à son avenir si nous voulons que ce métier perdure. Je n’apprends rien à personne en vous disant qu’il est de plus en plus difficile de vivre de cette activité, que nos éditeurs pensent ouvertement que nous avons mangé notre pain blanc, et que dans un futur très proche, ce que nous faisons pour beaucoup à plein temps aujourd’hui, deviendra un hobby en complément d’un “vrai” métier.

L’action syndicale à laquelle je participe depuis plus de quatre ans est une nécessité, mais l’initiative collective et solidaire en est une autre. Si la chaine de l’édition BD ne peut plus nous permettre de subvenir à nos besoins, il faut inventer de nouveaux réseaux et l’échelon local est un excellent terrain d’expérimentations. Les ateliers, les projets d’édition communautaire, les festivals et les libraires comme relais et partenaires. Tous ces potentiels peuvent nous aider à combler le vide qui se creuse devant nous.

A Lyon, cela commence à porter ses fruits. Les auteurs sont sortis de leurs cavernes pour se retrouver (il faut toujours un peu de pâté, de saucisson et de bibine pour les attirer au début), pour créer ensemble des trucs inattendus et tenter à plusieurs de trouver des solutions.

A bon entendeur !

Olivier Jouvray


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